Pluridisciplinarité
Comment l'équipe travaille ensemble pour obtenir un résultat de valeur malgré les fluctuations ?
La question du sens au travail repose sur la capacité d’une équipe à vivre ensemble.Le principe de coopération n’est pas suffisant sans la capacité à obtenir un résultat à la fin des boucles.
Le principe de l’agilité qui y contribue, c’est la pluridisciplinarité.
Une équipe pluridisciplinaire maîtrise toutes les disciplines nécessaires à la production d’un résultat de valeur. Cette capacité à faire ensemble constitue une finalité en soi, de nature à renforcer le sens donné au travail.
Pour certains, le sens du travail est lié au résultat auquel ils contribuent, à l’impact qu’il va avoir sur ses utilisateurs et au-delà sur le monde dans lequel nous vivons. La pluridisciplinarité favorise ce questionnement car elle rend visible à l’équipe le résultat qu’elle a produit.
En effet, la pluridisciplinarité s’oppose à la spécialisation issue de la division du travail. Dans ce système, l’individu qui travaille sur une tâche ne perçoit pas le résultat de son travail, perdu dans une chaîne de production. Si la spécialisation a permis de produire à grande échelle dans le domaine industriel, elle entraîne des problèmes dans le domaine de la connaissance, soumis à des fluctuations importantes.
Les antipatterns liés à la spécialisation
Dépendances avec les silos
L’organisation en silos crée des blocages à cause des dépendances. En s’organisant selon des équipes pluridisciplinaires, on cherche à réduire les dépendances pour permettre d’obtenir un résultat à la fin de chaque boucle. Cela facilite l’application du principe de livraison fréquente
Risque avec les hyper-spécialistes
Avoir un grand spécialiste dans une équipe, c’est utile. Mais c’est risqué si lui seul possède des compétences nécessaires à l’équipe. À la course à la spécialisation, l’agilité préfère privilégier le partage des compétences.
J’avais écrit en 2008 un court article Spécialistes ou généralistes ? (avec des liens toujours vivants et pertinents !)
Ennui dû à la monotonie
Un travailleur dédié à un domaine et ne faisant pas autre chose (par exemple développeur front) aura tendance à s’ennuyer. De plus, comme dans les offres d’emploi, c’est souvent un outil ou une technique qui est associée à un poste de travail.
Dans l’équipe pluridisciplinaire, une personne ne fait pas toujours la même chose. Même si elle est spécialiste dans une technique d’ingénierie, elle est capable de changer d’activité. L’idée est de généraliser ses compétences tout en partageant son expertise.
La poly-activité limite la répétition et l’ennui. Elle favorise l’entraide et la responsabilité collective.
Trop de pouvoir aux experts
La spécialisation du travail augmente l’appel à des experts qui sont en dehors du groupe. Cela leur donne un grand poids. Quand il faut décider, l’expert emporte souvent la décision au détriment des coéquipiers !
Car il est difficile de contredire un expert.
La pluridisciplinarité cherche à limiter l’appel à des personnes extérieures à l’équipe. En favorisant l’expression des contradictions et les débats, l’agilité développe l’esprit critique limitant le pouvoir des experts.
Adaptabilité
L’agilité est fréquemment associée à la capacité d’adaptation. Comme le dit Olivier Hamant, une fois qu’on s’est adapté on n’est plus en mesure de répondre à de nouvelles fluctuations. Il oppose ainsi l’adaptation à l’adaptabilité, nécessaire dans notre monde incertain.
La pluridisciplinarité d’une équipe renforce son adaptabilité.
L’injonction d’adaptation est souvent dictée à l’équipe (Adaptez-vous, vous êtes agiles !) alors que l’adaptabilité s’obtient par un travail de l’équipe elle-même, guidée par le principe de méliorisme.
La pluridisciplinarité, une zone d’agilité à défendre
C’est surtout au moment de la constitution de l’équipe qu’il convient de s’interroger sur sa pluridisciplinarité.
Je propose des activités s’y référant pendant le prélude, cette période de naissance de l’équipe. L’élaboration de la charte projet est l’occasion de se questionner sur la complémentarité des compétences et sur les expertises qui manquent.
Pendant la vie de l’équipe, la pluridisciplinarité devrait se renforcer en apprenant des autres membres de l’équipe et des experts externes. Elle peut se détériorer si des personnes quittent l’équipe sans que la transmission de leurs compétences ne soit faite.
C’est sur ces questions de constitution de l’équipe que la vigilance doit se faire pour défendre la pluridisciplinarité.
Dans L’art de devenir une équipe agile, une double-page est consacrée à la pluridisciplinarité (le P de TAPIS). J’y réponds à deux objections courantes, la taille de l’équipe et la croyance que tout le monde doit avoir toutes les compétences.