L'agilité, ça s'applique à une équipe

Sans équipe, pas d'agilité !

Je viens de participer à l’enregistrement du podcast Frugarilla sur l’agilité essentielle. L’autre invité était Laurent Morisseau.

Avec Laurent, nous avons de nombreux points de convergence, cependant nous sommes en désaccord sur la cible principale de l’agilité :

  • lui vise l’entreprise agile,
  • alors que je définis l’agilité au niveau d’une équipe.

C’est l’occasion pour moi de republier cet article L’agilité, ça s’applique d’abord à une équipe écrit en 2019, au moment de la sortie de mon livre L’art de devenir une équipe agile.

Définitions

Avant, je commence par ma définition de l’agilité, dans sa version simple :

L’agilité est la capacité d’une équipe à s’auto-organiser et à écouter les utilisateurs lors des boucles de feedback, pour créer et maintenir un service répondant à leur besoin.

Pour moi, il n’y a pas plusieurs agilités, une pour l’équipe (qu’on qualifierait alors d’agilité opérationnelle, bouh !) et une autre pour l’entreprise (business agility ?). Si on me demande ce que serait l’agilité d’une organisation, je m’appuie sur l’agilité des équipes :

l’agilité d’une organisation est sa capacité à faire prospérer l’agilité de ses équipes.

Je suis content d’avoir réussi à clarifier cette orientation sur l’équipe que j’avais défendue dans l’article initial.

L’article de 2019

L’adjectif agile est parfois associé à une personne ou un rôle (le manager agile !), parfois à une équipe et parfois à une entreprise.

Avec l’agilité définie comme la capacité à fournir régulièrement de la valeur, cette caractéristique s’applique d’abord à une équipe.

La valeur que perçoivent les utilisateurs, on l’obtient avec un produit et service mis à leur disposition. Il s’agit donc de créer, de développer un résultat. Le FAIRE. Qui fait ?

Ce n’est pas une personne seule, ce n’est pas une organisation, c’est l’équipe.

L’agilité s’applique d’abord et avant tout à une équipe. Sans équipe agile, pas d’agilité.

À mon avis, tous ceux qui promeuvent l’agilité au niveau de l’entreprise sans se préoccuper en premier de la notion d’équipe se trompent.

Cependant, dire que l’agilité s’applique d’abord à une équipe ne signifie pas que seule l’équipe est concernée. Elle n’est pas toute seule, elle évolue dans un environnement où se trouvent les utilisateurs, mais aussi toutes les parties prenantes.

Pour que l’équipe puisse devenir agile, il y a un prérequis qui concerne cet environnement.

Dans Modern Agile, la notion de prérequis apparaît explicitement. Le moment idéal pour installer ce (pré)requis est ce que j’appelle le prélude (auquel je consacre une partie avec plusieurs chapitres dans l’édition 6 de Scrum).

Avec Agile Fluency, pour devenir agile, l’équipe doit d’abord se focaliser ; cela n’est possible qu’avec un engagement des parties prenantes, et en particulier des managers, à avoir un comportement qui permet à l’équipe de s’épanouir.

Les traits principaux de ce comportement sont présentés, page 28 de L’art de devenir une équipe agile, dans le dessin d’Étienne Appert :

les devoirs des parties prenantes

Un grand merci à Claude Andrieux pour sa contribution aux changements de comportement attendus des responsables !

Ce centrage sur l’équipe limite les risques de faux-agile, fréquent quand c’est l’organisation qui impose l’agilité aux équipes. Ce qu’on demande à l’organisation autour, à ses responsables, c’est de laisser faire, en donnant les moyens. Plus tard, quand l’équipe sera devenue agile et aura développé ses compétences techniques, on pourra changer la structure de l’organisation puis sa culture.

Fin de l’article de 2019

La flexibilité ce n’est pas de l’agilité

Je finissais avec les risques de faux-agile quand l’organisation impose l’agilité aux équipes.

Le mot qui l’illustre le mieux ce danger, c’est flexibilité.

Dans la Fresque de l’agilité, nous fournissons des cartes de principes fondamentaux, en demandant aux participants de les associer, soit au management moderne, soit à l’agilité (en ayant rappelé la différence historique de ces deux modes de pilotage du travail).

La carte Flexibilité est l’enjeu de discussions épiques, certains l’associant spontanément à l’agilité. C’est à mon avis une conséquence de la mauvaise compréhension de l’agilité par les organisations. La flexibilité n’est pas à confondre avec l’agilité :

Être flexible, c’est subir, plier mais ce n’est pas agir qui est l’essence (et la racine étymologique) de l’agilité.

La flexibilité ne retient que le caractère passif, l’agilité a en plus l’action. Celle de l’équipe. Dans la fresque elle ne figure évidemment pas du côté des fondamentaux de l’agilité.

Pour obtenir le résultat du travail, la flexibilité véhicule les principes de vitesse, multi-tâches, optimisation du profit qui ont pour conséquence de provoquer des difficultés ressenties par les personnes qui travaillent.

Dans l’animation de la fresque nous demandons aux participants de sélectionner collectivement les trois difficultés les plus importantes parmi celles-ci :

  • Dissonance cognitive des coéquipiers
  • Itérations uniquement pour augmenter la productivité
  • Maintenance difficile (dette technique)
  • Membres de l’équipe considérés comme des ressources interchangeables
  • Notions de bien commun et d’impact écologique ignorées
  • Pas de temps pour réfléchir ensemble
  • Rythme infernal
  • Surcharge mentale (burnout) du jamais fini
  • Temps perdu à changer de contexte
  • Temps de réponse allongé pour toutes les demandes des clients
  • Utilisateurs mécontents du résultat livré (bugs)
  • Valeurs affichées qui ne se reflètent pas dans ce qui est réalisé

L’exercice met en évidence que l’agilité, dite organisationnelle, pilotée au niveau de l’entreprise — et présentée comme de la flexibilité — c’est souvent la cause des problèmes.

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