La post-agilité
L'agilité de la post-croissance, c'est peut-être la post-agilité.
La fin de ma keynote à Agile Grenoble sur L’agilité de la décroissance, avec les deux derniers slides commentés, puis quelques réflexions sur l’agilité de demain.
Cet article est le dernier de la série, commencez par le début.
Fin de ma keynote à Agile Grenoble
J’ai présenté les deux derniers slides rapidement parce que mon temps de parole (45’) était écoulé. Voici le script (les slides sont disponibles avec la série).
Slide Post-croissance
La post-croissance — la ZAD ultime — c’est l’utopie visée (voir mon slide 5).
Timothée Parrique définit ainsi la post-croissance :
Une économie stationnaire en harmonie avec la nature où les décisions sont prises ensemble et où les richesses sont équitablement partagées afin de pouvoir prospérer sans croissance.
L’agilité que nous avons proposée avec ses inflexions sur le modèle de valeur et l’autonomie amplifiée s’applique. Le temps qui était passé à résorber la dette écologique est utilisé pour renforcer cette agilité avec des pollinisations croisées.
On rappelle que certains n’utilisent pas le mot décroissance et parlent directement de post-croissance1, en y englobant la décélération de l’économie avant son état stationnaire.
Qu’on utilise le mot ou pas, il s’agit de prospérer sans croissance.
Dernier slide
Sans croissance économique, celle qui conduit à la prolifération, aux excès de production et de consommation. Car nous voulons conserver d’autres croissances, bien sûr. Celles des plantes à chaque printemps. Celle de nos enfants et petits-enfants.

Comme le mien que vous voyez sur la photo en train d’arroser un olivier que j’avais gagné à la tombola de l’arbre au printemps dernier. Nous l’avons planté ensemble. Je souhaite que l’olivier et mon petit-fils poursuivent leur croissance.
Si je vous incite à vous impliquer dès aujourd’hui dans l’agilité de la décroissance de l’économie, c’est bien pour que les autres domaines, ceux de la vie, continuent à prospérer.
Mon message est que vous pouvez agir dès maintenant à votre échelle, sans attendre je ne sais quelle injonction extérieure. J’espère vous avoir donné l’élan pour essayer des trucs dans vos équipes agiles.
Pour vous. Pour vos enfants.
Fin de ma keynote. Applaudissements.
Feedback à Agile Grenoble
J’ai été un peu plus long que prévu dans mon discours. J’avais pourtant répété bien sûr, mais la peur de finir trop tôt m’a fait ajouter un slide2 au dernier moment.
Il n’y a donc pas eu de temps pour les questions à la fin de ma keynote. Cependant, comme je suis resté deux jours à Agile Grenoble, notamment pour animer la Fresque de l’agilité avec mes camarades, j’ai eu de nombreuses conversations sur le sujet de ma présentation, sur l’agilité de la décroissance.
L’intérêt pour la décroissance s’est manifesté :
- Plusieurs personnes m’ont remercié d’avoir osé aborder le sujet dans ce contexte. J’ai reçu de nombreux sou-rires.
- Le libraire (librairie Artaud) présent à la conférence m’a dit que les 5 exemplaires qu’il avait du livre de Timothée Parrique avaient été achetés à la fin de ma session.
- Au cours des autres présentations auxquelles j’ai assisté, les orateurs ont mentionné la décroissance, en référence à ma session.
C’était un de mes objectifs, cette sensibilisation à une philosophie du travail différente de celle de la performance économique habituellement associée à l’agilité.
L’autre objectif était de donner à chacun l’envie d’agir, concrètement, dans son équipe agile.
C’est dans cette optique de retrouver la capacité d’action sur le monde que j’ai consacré une partie de ma session aux outils de l’agilité de la décroissance.
Réflexions post-keynote
J’ai présenté des outils dont j’avais déjà parlé dans ce blog ou dans celui agile radical.
Le modèle de transition que j’ai proposé est lui nouveau, montré pour la première fois à cette keynote.

Ce modèle de l’agilité de la décroissance (MAD) demande à être critiqué et approfondi. Il n’est pas créé de rien, il est inspiré d’Agile Fluency, que j’ai souvent utilisé depuis 10 ans.
Les deux premières ZAD sont la robustesse (de l’équipe) et la sobriété (du résultat). On les retrouve dans le modèle de la Fresque de l’agilité, comme des fondamentaux orientés sens et valeur.
Les autres fondamentaux, l’auto-organisation et les boucles de feedback, constituent le volet opérationnel.
On peut aussi représenter ces 4 fondamentaux sur un quadrant :

La flèche indique l’ordre dans lequel on traite les fondamentaux dans la Fresque de l’agilité.
J’ai esquissé des pistes pour l’agilité de la décroissance. J’ai commencé par les objections, la première critiquant le techno-solutionnisme. Je me doute bien que je n’ai pas convaincu tous les agilistes que le découplage (la croissance verte) était une impasse. Dans un milieu issu de la technique, la croyance dans le salut par l’innovation reste forte. J’y ai cru moi aussi…
De nombreux points restent à approfondir :
- comment faire participer les citoyens pour prendre vraiment en compte leurs besoins ?
- comment éviter que la planification écologique soit plus bureaucratique qu’agile3 ?
- est-ce tout cela est applicable en dehors du numérique ? dans le monde non lucratif ?
Il est probable qu’agilité de la décroissance ne soit pas une appellation très attractive4. Peut-être que post-agilité serait mieux pour nommer l’agilité de demain.
Remerciements
Je remercie Claude Andrieux qui m’a incité à lire le Parrique. Lui, Jean-Pascal et Anthony ont gentiment accepté d’écouter mes répétitions de keynote ; ils m’ont fait des retours qui m’ont été précieux.
Merci à Benjamin Cabanne, avec qui nous avons échangé sur nos keynotes respectives (la sienne était très émouvante).
Toute ma gratitude va aux organisateurs de cet Agile Grenoble. Ils m’ont fait confiance en me confiant la keynote d’introduction.
J’adresse une dédicace spéciale à trois d’entre eux :
- Alain, à l’origine de tout ça,
- Fred, qui m’a donné, après ma keynote, un exemplaire de Antidote au culte de la performance, que j’ai lu aussitôt ce qui m’a fait introduire la robustesse (de l’équipe) dans les fondamentaux de la (post) agilité.
- Franck, pour son post sur Mastodon ; depuis ma famille me respecte un peu plus…
J’ai entendu ce matin satiété pour désigner cette phase stationnaire. ↩︎
J’ai ajouté le slide sur le cashback avec SNCF Connect comme exemple de fonctionnalité toxique qu’une équipe avec une autonomie étendue aurait refusée. Il semble que, sous la pression — pas que la mienne — la SNCF la supprime. ↩︎
Attention, je n’ai jamais opposé la planification à l’agilité. On peut faire de la planification agile. Ce qui est à éviter, c’est la grosse planification au début sans boucles de feedback. ↩︎
À l’instar de l’agilité radicale. Décroissance, radical, c’est bien pour susciter des réactions, moins pour diffuser largement. ↩︎