Objections à l'agilité de la décroissance
Avec les réponses aux objections données avec le point de vue de l'agilité

Voici le script de ma keynote à Agile Grenoble, deuxième partie, les slides 9 à 12.
Cet article fait partie d’une série, commencez par le début.
Slide 9
Mais tout d’abord il me faut parler des objections sérieuses — car je ne parle pas des climato-sceptiques — que certains auront sur la décroissance, auxquelles je vais répondre avec le point de vue de l’agilité.
Slide 10 : Techno-solutionnisme
Première objection, celles des personnes qui contestent la décroissance. Ils pensent qu’on peut continuer à faire confiance dans la technologie et que des solutions finiront par apparaître.
Le chef de file de ces techno-solutionnistes pourrait être Elon Musk, mais je vais plutôt parler de Marc Andreessen. C’est un ancien développeur, fondateur de Mosaic, puis de Netscape (qui est à l’origine de Firefox).
C’est lui qui avait sorti un slogan que je reprenais fréquemment il y a une quinzaine d’années :
Software is eating the world.
Il vient de publier un manifeste pour proclamer son techno-optimisme et encourager le monde à le suivre. Pour lui la décroissance est une dangereuse obscénité.
Il vient du domaine du logiciel et exalte sa toute puissance. Il prône la compétition (nous sommes comme les requins), la domination sur la nature et bien sûr donne toutes les vertus à l’IA :
l’IA est notre alchimie, notre pierre philosophale, la solution universelle aux problèmes.
Bref un manifeste — plutôt un assemblage de tweets — qui est l’antithèse de l’agilité1.
Quand on sait quel est déjà l’impact phénoménal de l’IA sur l’empreinte écologique, on peut craindre l’effondrement avant d’obtenir des solutions avec l’IA, c’est aussi ce que disent les scientifiques.
Parrique montre dans son livre que le découplage entre croissance et empreinte écologique est impossible.
J’ajouterai que le techno-solutionnisme pour le climat (stockage du CO2, injection dans l’atmosphère) est très incertain et qu’on ne va pas attendre des succès éventuels pour passer à l’action.
Slide 11 : Planification étatique
Deuxième objection, celle des personnes d’accord pour réduire la production afin de diminuer l’empreinte écologique mais estimant que cela doit se faire au niveau des états, et surtout en Chine ou aux Etats-Unis.
Ils sont persuadés que seule une planification écologique décidée au plus haut niveau peut contraindre les organisations à s’en préoccuper vraiment.
Oui de la planification étatique sera sûrement nécessaire mais cela va prendre du temps et d’ici là on peut commencer au niveau qu’on est.
Ma réponse à cette objection est la lutte fractale. On peut agir à tous les niveaux : en pratiquant le YAGNI sur le code, en ne faisant pas une story trop coûteuse en ressources, etc.
On peut agir au niveau collectif avec l’équipe en essayant à petite échelle, en faisant croître des idées. L’équipe, au coeur de l’agilité, est le niveau où se déclenche l’action.
Slide 12 : Vertige de l’échelle
La 3e objection vient de celles et ceux qui sont conscients de la situation, qui pensent qu’il faut faire quelque chose, mais qui sont saisis du vertige de l’échelle.
Envahis de communications, de données sur le réchauffement climatique et l’extinction de masse - ce que Timothy Morton appelle le dépotoir d’informations - ils ne savent pas par quoi commencer et du coup restent bloqués. Comme au cinéma le film se déroule et on reste passif.
Timothy Morton, dans son livre Être écologique2, présente le climat comme un hyper-objet complexe.
Je rebondis sur cette notion de complexité pour ma réponse à cette objection — plutôt une sidération : l’agilité permet de s’attaquer à la complexité par l’expérimentation. Elle vient avec des pratiques pour décider par quoi commencer.
L’agilité est un outil pour les domaines complexes, nous en parlions dans les conférences agiles il y a quelques années avec des présentations de Cynefin, le framework de prise de décision de Dave Snowden3.
L’agilité apporte des réponses à ces trois objections, en particulier par son pragmatisme.
trouvée sur le Standblog de Nitot, la réponse au manifeste techno-optimiste de Dave Karpf Why can’t our tech billionaires learn anything new?. L’article finit par la proposition d’une approche techno-pragmatiste. ↩︎
Livre discuté au klub de lecture en 2022. ↩︎
Pour comprendre l’usage de Cynefin, un article par un agiliste ukrainien défendant son pays contre l’invasion russe. ↩︎