L'auto-organisation plutôt que la division du travail
La division du travail selon le modèle tayloriste entraîne de nombreux problèmes. L'agilité propose d'en finir avec ce principe.
Voyons comment les principes, concepts et pratiques de l’auto-organisation peuvent se substituer à ceux de la division du travail pour éliminer ces problèmes.
Pour montrer la nouvelle philosophie du travail, repartons du Manifeste agile :
les personnes et leurs interactions plus que les processus et les outils.
En le reformulant de façon radicale, disons que l’agilité entend remplacer la division du travail (les processus et les outils) par le travail en auto-organisation (des personnes et des interactions).
En effet, si la division du travail a été efficace dans le passé, dans le domaine de la connaissance, les notions de processus standardisé, hiérarchie et contrôle, qui en découlent, soulèvent des problèmes :
- bureaucratie,
- perte d’initiative,
- baisse de l’implication,
- mauvaise ambiance,
- perte de temps,
- anxiété,
- besoins des utilisateurs ignorés.
Une démarche pragmatique plutôt qu’un processus standardisé
L’équipe fait des expérimentations et évalue leurs résultats pour les intégrer dans le flux de son travail.
Pragmatisme
À l’opposé de la volonté de dominer la situation en divisant le travail à faire, l’agilité répond en procédant par des essais. Dans la genèse de l’agilité —et de Scrum en particulier— on trouve des références à l’empirisme.
J’ai découvert que le pragmatisme était plus en résonance que l’empirisme pour décrire l’agilité nécessaire aujourd’hui, dans ce monde incertain.
Le pragmatisme s’intéresse en premier aux conséquences de ses actions pour les utilisateurs, et pas au suivi d’un processus pensé par un expert. Il laisse l’initiative aux personnes qui produisent un résultat de changer leur façon de faire.
Isabelle Stengers (dans un entretien Philosophie Magazine) parle ainsi du pragmatisme :
…mais de prêter attention aux choses et aux idées, aux pratiques et aux savoirs, dans leurs modalités plurielles d’existence, sans censure a priori, et à la manière dont toutes ces choses, dans l’entrelacs des relations qui se tissent entre elles, ont des effets imprévisibles, inattendus, les unes sur les autres.
Légèreté
Les signataires du Manifeste réunis à Snowbird en 2001 se sont retrouvés sur leur opposition aux processus lourds. Leur intention était de remettre de la légèreté dans la façon de développer les logiciels.
Les processus lourds entraînent inexorablement de la bureaucratie. La bureaucratie est un problème dans toutes les organisations d’une certaine taille, privées ou publiques, pas seulement pour celles qui développent des logiciels. On a cru que la numérisation allait simplifier les usages, c’est bien souvent l’inverse qui s’est produit pour les utilisateurs et les usagers des services publics.
Plutôt que chercher à standardiser un enchaînement de travaux élémentaires forcément détaillés, les expérimentations de l’agilité nécessitent beaucoup moins de procédures et de documents pour produire un résultat.
Une équipe autonome plutôt que de la hiérarchie
L’autonomie d’une équipe est sa capacité à se donner elle-même sa propre loi, à définir ses propres règles.
Rôles des coéquipiers
Au sein du collectif, la place et le bien-être de l’individu sont importants. Comme il n’y a pas de chef qui définit et assigne les tâches, ce sont les coéquipiers qui décident comment décomposer le travail et l’accomplir. Il n’y a pas non plus de rôle spécialisé (architecte, développeur web, testeur, etc.). Chacun se détermine et le Scrum Master (ou équivalent avec un autre nom) facilite la vie de l’équipe. L’ambiance dans l’équipe s’en trouve améliorée.
Facilitation
La facilitation est l’art d’augmenter le pouvoir d’agir d’un groupe.
L’agilité incite l’équipe à s’organiser elle-même pour effectuer le travail. Le Scrum Master est là pour faciliter cette auto-organisation et mettre les coéquipiers en confiance. Cette facilitation, qui permet à l’équipe de décider et de s’engager, possède donc un sens.
Prises de décision collectives
La prise de décision autoritaire, celle qui vient encore en premier dans l’esprit de beaucoup de monde —c’est le chef qui doit décider— ne correspond pas à la vision d’une équipe agile. C’est d’ailleurs est un signe qui permet d’identifier le faux-agile.
Avec l’agilité, la plupart des décisions sont collectives. Pour ne pas ralentir certaines décisions, des leaders sont désignés, ponctuellement comme dans la sollicitation d’avis ou avec le rôle de Product Owner pour les décisions sur le produit.
La confiance plutôt que le contrôle
Le contrôle fait perdre beaucoup de temps. Cependant la confiance ne se décrète pas. Il convient de mettre en confiance une équipe.
favoriser la prise d’initiative et éviter les contrôles dans la vie de l’équipe.
Cette mise en confiance se construit principalement lors de la naissance de l’équipe. Voici deux pratiques qui y concourent.
Alignement avec les parties prenantes
Il s’agit d’être sur la même longueur d’ondes au sein de l’équipe et surtout entre l’équipe et les parties prenantes. Pour donner confiance, les sponsors et managers doivent lâcher prise. La confiance se bâtit lors du prélude1, avec une recherche d’un alignement sur une vision partagée.
Cette construction de la confiance prend du temps au début, pour en faire gagner beaucoup par la suite en évitant les contrôles.
Règles de vie commune
Pour se mettre en confiance, l’équipe définit ses règles de vie en commun.
Un moyen de favoriser la confiance est de créer une hétérotopie2, c’est-à-dire un espace de vie différent, qui lui sera dédié et dans lequel elle aura ses propres règles (en phase avec l’agilité) et son propre décor.
Ainsi autonome — et cependant alignée sur une vision partagée — elle pourra ainsi mieux s’épanouir avec des coéquipiers débarrassés de leur anxiété due à la culture du contrôle.