Scrum est un outil

Scrum est un outil destiné à faire coopérer une équipe afin qu'elle donne un résultat de valeur à ses parties prenantes.

Le sous-titre de mon livre Scrum édition 6 présente Scrum comme un outil. Pas une méthode, ni un processus, ni même un cadre. Non. Un outil.

Un outil léger

Le premier article sur Scrum, en 1995, parlait volontiers de processus et de méthodologie. Par la suite, Scrum a été le plus souvent qualifié de méthode : la méthode agile Scrum. On l’entend toujours.

Pourtant, plus tard, Ken Schwaber et Jeff Sutherland, l’autre co-fondateur, ont défini Scrum comme un cadre de processus (process framework). Un cadre, on devine que ce n’est pas un processus complet, ni une méthode et encore moins une méthodologie, mais cela reste difficile à cerner.

Aujourd’hui, je préfère qualifier Scrum d’outil, en reprenant la définition d’Ivan Illich.

Un processus définit une façon de travailler, un outil se contente de rendre la vie plus facile. Scrum n’imposant que peu de choses — relativement aux processus lourds — est un outil léger.

Un outil d’équipe

Scrum est dédié au travail en équipe. L’équipe représente le niveau idéal pour inventer et fabriquer des choses. Le but de son travail est d’obtenir un résultat destiné à des personnes appelées parties prenantes.

Scrum est un outil destiné à faire coopérer une équipe afin qu’elle donne un résultat de valeur à ses parties prenantes.

Un outil ludique

Scrum n’est pas un acronyme. C’est pourquoi on n’écrit pas SCRUM. Le mot vient du rugby : il désigne en anglais la mêlée. C’est pourquoi on prononce « screum », et non « scrume » ni « scroum ». Il suffit de regarder un match de rugby avec un arbitre anglophone pour l’entendre.

Au rugby, une mêlée est sifflée par l’arbitre quand une règle n’a pas été respectée (les règles changent souvent, notamment celles concernant la mêlée, c’est ce qui fait le charme du rugby).

La mêlée permet de repartir sur des bases solides, avec une poussée synchronisée de tout le pack. C’est la quintessence de l’effort collectif.

Les fondateurs de Scrum ont choisi le nom de leur outil avec cette métaphore, en mettant une majuscule pour différencier de la mêlée du rugby.

Pourquoi cette référence au rugby ?

Elle provient d’un article de 19861, rédigé par des Japonais, qui aiment le rugby. Il montre comment des sociétés (Honda, Canon, NEC et Fuji-Xerox) sont performantes dans le développement de leurs produits grâce à une approche de co-construction ; il insiste sur l’importance d’équipes autonomes et autogérées. Les auteurs présentent la métaphore du rugby ainsi :

« L’approche séquentielle traditionnelle, autrement appelée “ course de relais ”, pour développer un produit – illustrée par le système de planification de programme en phases – peut entrer en conflit avec les objectifs de vitesse et souplesse maximum. Au lieu de cela, une approche globale comme au rugby – où une équipe essaye de parcourir la distance en étant solidaire, se passant le ballon de main en main – peut mieux servir les exigences de compétitivité. »

Ce lien fort avec le rugby se retrouve dans le nom donné à une pratique de Scrum, la mêlée quotidienne, Scrum daily meeting en anglais.

Dimension ludique

Le rugby est d’abord un jeu, cela peut expliquer la dimension ludique que possède 2 l’outil Scrum. Comme le dit Ian Bogost3 :

Jouer, c’est composer avec la réalité : repérer les véritables contraintes du système dans lequel on évolue et les négocier positivement.

C’est pour mettre l’écosystème dans ces dispositions ludiques qu’avec Scrum, la mise en scène, l’ambiance dans l’équipe et l’état d’esprit des parties prenantes sont pris au sérieux.

Un outil avec un mode d’emploi et une intention

S’il n’est pas facile de catégoriser Scrum, il est plus simple d’en expliquer la mécanique de mise en œuvre. Voici comment ça fonctionne :

Le rythme est donné par une série de boucles de feedback, appelées sprints. Toutes les choses à réaliser sont ordonnées dans le backlog. L’équipe travaille sur la partie du backlog la plus prioritaire afin de donner un résultat aux parties prenantes. Ce flux de travail est entrecoupé par la cadence régulière des rites du sprint :

  • Au début du sprint, la planification consiste à se mettre d’accord sur un objectif et à préparer le travail pour y arriver.
  • Chaque jour, la mêlée est un point de synchronisation, en équipe, pour converger vers l’atteinte de l’objectif.
  • À la fin du sprint, lors de la revue, l’équipe présente le résultat qu’elle a obtenu, afin de solliciter du feedback qui va alimenter le backlog,
  • Enfin, lors de la rétrospective, l’équipe réfléchit à sa façon de travailler en vue de s’améliorer.

Et c’est reparti dans le sprint suivant.

Ce mode d’emploi laisse beaucoup d’initiatives à l’équipe ; il fait de Scrum un outil avec une approche empirique. Cette mécanique bien huilée, qui paraît simple, est indissociable d’une intention, celle de la nouvelle philosophie du travail véhiculée par l’agilité.


Cet article est un extrait remanié de mon livre Scrum édition 6. L’extrait se situe dans le premier chapitre ; juste après vient Scrum est agile.


  1. L’article a été traduit : https://wikiagile.cesi.fr/index.php?title=Les_nouvelles_r%C3%A8gles_de_d%C3%A9veloppement_d%27un_nouveau_produit ↩︎

  2. Ce côté ludique, c’est mon point de vue, que j’essaie de faire partager dans le livre. Je comprends que tout le monde n’ait pas ce sentiment. ↩︎

  3. Ian Bogost, Play Anything: The Pleasure of Limits, the Uses of Boredom, and the Secret of Games, Basic Books, 2016 ↩︎

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