Le Scrum Master et la facilitation

La facilitation qu'es aquò ? Essai de clarification pour le Scrum Master et les autres facilitateurs.

Sommaire

Lors d’un séminaire d’entreprise qui avait pour thème la facilitation, nous avons demandé aux participants de donner leur définition, de réfléchir en groupe à ce que cela signifiait pour eux. Ce sont leurs réponses contrastées qui m’ont amené à écrire cet article.

J’ai d’abord entendu parler de facilitation de façon associée au rôle de Scrum Master. Dans mon premier glossaire, en 2007, je définissais le Scrum Master comme l’animateur et le facilitateur d’une équipe Scrum.

C’est un peu après, quand les conférences agiles se sont multipliées, que le terme facilitation s’est répandu, dans l’agilité, pour désigner la façon participative d’animer les ateliers et jeux.

C’est encore un peu plus tard que j’ai découvert plus tard que facilitation faisait partie du vocabulaire de l’éducation populaire.

Essai de définitions

Scrum Master

Voici la définition que je lui donne dans Scrum édition 6 :

Le Scrum Master entraîne les coéquipiers à coopérer pour donner un résultat et à réfléchir pour améliorer leurs capacités.

Je suggère donc que le Scrum Master est un entraîneur (un entraîneur-joueur, car il est dans l’équipe). Entraîneur c’est le mot français qu’on utilisait avant coach.

Je dis juste en dessous que le Scrum Master est aussi un facilitateur.

En effet, l’objectif d’une équipe Scrum, c’est devenir auto-organisée ; le SM y contribue largement, on peut donc dire qu’il facilite l’auto-organisation.

J’ajoute :

Son rôle vise en premier l’épanouissement de l’équipe plus que son efficacité, la réussite du vivre ensemble provoquant celle du résultat.

Facilitation

La facilitation, c’est l’action de faciliter, donc de rendre facile ou plus facile. Le verbe faciliter est transitif, donc en principe on facilite quelque chose. Ce quelque chose est une activité qui dans notre contexte, est faite par un groupe. Cela nous amène à une première définition, inspirée par Hanna Arendt :

La facilitation est l’art d’augmenter le pouvoir d’agir d’un groupe.

Agir, activité, action, cela définit la facilitation comme un moyen (on pourrait dire outil au sens que lui donne Illich) de mieux faire quelque chose ensemble. C’est beaucoup plus large que la réduction à l’obtention d’un accord entre deux parties, ce qui correspond plutôt à de la médiation.

Pour aider un groupe à agir, la facilitation est le juste milieu, au sens d’Aristote, entre :

  • l’approche procédurale qui pousse à faire des plans pour arriver au résultat, menant à la bureaucratie,
  • les débats sans cadre qui peuvent durer longtemps avant d’arriver à des actions concrètes.

Faciliter

Faciliter quoi ?

Pour un Scrum Master, on pense naturellement qu’il exerce ses capacités de facilitation pendant les rites, et en particulier pendant la rétrospective.

Cependant, de nombreuses situations peuvent déboucher sur de la facilitation, pour une équipe agile ou pour n’importe quel groupe constitué :

Plus largement, le besoin de facilitation émerge chaque fois que quelqu’un ressent une difficulté par rapport au groupe (la résolution de conflits individuels n’en fait pas partie, c’est le domaine de la médiation).

La facilitation est aussi utilisée pour apprendre, c’est-à-dire pour rendre le travail plus facile. Je peux ainsi dire que j’ai facilité de nombreux jeux ou ateliers.

Qui facilite ?

Un facilitateur est une personne qui a la capacité d’exercer la facilitation.

Cette capacité nécessite des compétences, portant notamment sur des techniques d’animation. Elle demande en plus une expertise en dynamique de groupe, donc plus sur les relations que sur les personnes, pour proposer les outils adaptés au contexte et ainsi développer l’intelligence collective du groupe.

Il y a une différence entre connaître une technique de facilitation (c’est juste une compétence) et savoir quand et comment l’appliquer (c’est une capacité et c’est ce qui est demandé à un facilitateur).

Facilitateur n’est pas un rôle. On peut acquérir la capacité de faciliter, par l’apprentissage et l’exercice. Le niveau d’expertise requis dépend du groupe et du contexte d’intervention.

Comment ?

La facilitation n’est pas uniquement le moment passé avec le groupe. Elle comporte 3 étapes :

  • de la préparation avant, plus ou moins longue selon le contexte,
  • l’animation avec le groupe,
  • et de la consolidation après.

La préparation permet de réfléchir à la technique qui sera adaptée à la situation.

Mon propos dans cet article n’est pas de lister les outils et techniques d’animation, on en trouvera quelques uns cités dans mon blog avec le tag jeu agile ou le tag rétrospective. On pourra aussi utiliser les métacartes Faire Ensemble.

La consolidation consiste à s’assurer que le résultat de la facilitation — une action — est mis en pratique. Cela concerne donc le feedback des destinataires des actions. Sans cette boucle, il y a le risque que l’action ne soit pas évaluée, et donc que la facilitation ne soit pas critiquée et encore moins améliorée.

Discussions

Bien entendu, ces définitions que j’ai essayé de formuler se discutent. Comme se discute aussi ma position sur ces trois réponses collectées lors de ce séminaire, à propos de la facilitation :

Le but de la facilitation est la communication dans le groupe

Cantonner la facilitation à la communication, cela m’apparaît restrictif.

Il ne suffit pas seulement de clarifier la communication, il s’agit d’améliorer la coopération pour arriver à un résultat.

Le facilitateur doit être extérieur au groupe

Je m’oppose à l’idée reçue qu’un facilitateur soit toujours extérieur au groupe. Si une personne dans le groupe a les capacités pour faciliter la demande, pas la peine de faire appel à un facilitateur externe. En particulier, dans une équipe agile, le Scrum Master est souvent en capacité de jouer le rôle de facilitateur.

C’est parfois souhaitable que la facilitation soit faite par une personne extérieure au groupe, mais c’est l’équipe qui décide, selon la nature de la demande.

Le facilitateur doit être neutre

Bien sûr que non ! À partir du moment où il officie, il utilise la facilitation au service d’une intention.

Il n’est pas là uniquement pour dérouler les étapes d’un processus. Il est capable de réorienter sa démarche (avec l’accord du groupe) si la mayonnaise ne prend pas.

Le Scrum Master en tant que facilitateur

Un coéquipier à son SM : tu peux me faciliter une prime ?

Pour augmenter le pouvoir d’agir de l’équipe

Voici quelques extraits du chapitre consacré au Scrum Master dans l’édition 6 de mon livre Scrum, dans la rubrique qui raconte sa journée :

Si le Scrum Master ne participe pas directement aux travaux de réalisation, il contribue à obtenir un résultat qu’on pourra donner. Dans sa posture de facilitateur, il le fait en éliminant les obstacles qui freinent (ou pourraient ralentir) l’équipe. Et en tant que coéquipier lui-même, il lui arrive de coopérer pour aider à finir des travaux, s’il a les capacités pour le faire.

Réfléchir aux émotions perçues, c’est une activité du Scrum Master en vue d’améliorer la sécurité psychologique de l’équipe.

Le Scrum Master, dans sa posture de facilitateur et avec la confiance de l’équipe, fait en sorte qu’un résultat soit obtenu à la fin du sprint.

Rencontrer d’autres personnes, notamment dans les communautés d’agilistes, c’est utile pour améliorer ses compétences.

Pour augmenter ses propres capacités

Ce dernier point est essentiel. Le Scrum Master doit lui-même augmenter ses capacités de facilitateur.

S’il existe —malheureusement— des certifications pour Scrum Master, ce n’est pas avec les formations associées que les capacités de facilitation d’une personne vont se développer.

C’est en allant à la rencontre de ses pairs, en pratiquant, par de multiples formes de réciprocité, qu’on acquiert ce savoir-faire de facilitateur. On trouvera des pairs en participant à des conférences ou des communautés. Et cela commence avec ses coéquipiers, des facilitateurs potentiels.

Articles liés