Le rôle de coéquipier Scrum
Un coéquipier est désireux d’obtenir un résultat, enclin à l’entraide, avec l’envie d’apprendre. Il a les capacités d’expliquer les outils et techniques qu’il utilise, de se focaliser et de travailler en groupe. Il s’engage à suivre les règles de travail, tout en restant en accord avec son idéal.
Coéquipier est un rôle essentiel dans une équipe Scrum, tout autant que Scrum Master et Product Owner.
Cet article contient un extrait revu et adapté au format blog du chapitre Le rôle du coéquipier Scrum du livre Scrum édition 6.
Dans les offres d’emploi on trouve des demandes de Scrum Master et à un degré moindre de Product Owner, mais coéquipier Scrum n’y apparait pas.
C’est un problème de nom mais pas seulement. Quand on cherche quelqu’un qui va rejoindre une équipe Scrum, on ne se préoccupe pas beaucoup de ses compétences en Scrum, encore moins de ses capacités à travailler en équipe. Ce qui prédomine toujours, en particulier pour le développement de logiciel, ce sont ses connaissances techniques.
Essayons de caractériser d’autres qualités qui définissent le coéquipier Scrum. Mais d’abord revenons sur le nom de ce rôle.
Un Scrumeur ?
Eh non, Scrumeur n’existe pas ! C’est dommage cela aurait complété la trilogie avec Scrum Master et Product Owner, et probablement contribué à donner plus de visibilité à ce rôle, qui a pourtant une place centrale dans l’outil Scrum.
Un membre d’équipe qui coopère
Dans le Guide Scrum le terme utilisé est Developer1. Même dans la version française !
Bien sûr on pourrait dire « développeur·euse ». Cependant c’est très associé au développement informatique et peut même y être compris de façon restrictive — cela exclut le testeur, l’UX, etc.
C’est pourquoi il vaut mieux choisir un autre nom. Utiliser coéquipier Scrum renforce l’idée de coopération.
Un joueur dans le collectif
Le bon coéquipier possède à la fois l’envie et la capacité de travailler en équipe.
Au sein du collectif, sa place et son bien-être sont essentielles. Un outil convivial, comme Scrum :
- renforce l’autonomie personnelle, car chacun a le choix du travail qu’il effectue,
- ne crée pas de relation de domination, car il n’y a pas de chef,
- élargit le rayon d’action, car l’apprentissage est continu.
Attitudes
Quel est l’état d’esprit d’un coéquipier Scrum ? Quelles sont les attitudes souhaitées ?
Désireux d’obtenir un résultat
L’équipe Scrum possède une finalité, concrétisée par sa mission et des objectifs adaptés à sa situation courante ; le coéquipier a envie de les atteindre.
Il n’est pas toujours facile pour un coéquipier investi dans son travail de rester aligné sur un objectif collectif. Heureusement, Scrum propose de nombreux moments de synchronisation en équipe, qui sont autant d’occasions d’entretenir l’alignement des coéquipiers.
La recherche d’un résultat collectif n’empêche pas l’autonomie individuelle et n’est pas contradictoire avec la diversité.
Enclin à l’entraide
Le trait de caractère souhaité est l’altruisme.
L’entraide au sein de l’équipe Scrum est favorisée par le fait qu’il n’existe pas d’enjeu individuel pouvant inclure une compétition ou une concurrence entre les coéquipiers.
Envie d’apprendre le domaine métier
Notre travail possède plus de sens si nous connaissons l’usage de ce que nous réalisons et comprenons sa finalité. Un coéquipier sera plus efficace et plus motivé s’il est lui-même utilisateur, ou simplement s’il croit à l’intérêt du don qu’il va faire aux parties prenantes.
Ouvert à l’apprentissage de nouvelles pratiques
Une équipe est capable de se questionner sur la façon dont elle a travaillé afin de décider — par elle-même — comment s’améliorer. La mise en œuvre des décisions d’amélioration demande une volonté d’apprendre.
Pour cela, un coéquipier doit parfois changer ses habitudes, sans avoir peur de sortir de sa zone de confort pour essayer une nouvelle pratique d’équipe.
Résumé des attitudes souhaitées
Les quatre traits définissent un état d’esprit orienté vers :
- une finalité commune,
- le vivre ensemble (la convivance),
- les utilisateurs,
- l’apprentissage continu.
Question : Si une personne ne les possède pas, qu’est-ce qu’on en fait ?
Si elle n’est manifestement pas en phase avec les attitudes souhaitées, il serait préférable qu’elle ne soit pas dans l’équipe. Cependant on ne choisit pas souvent qui fait partie de l’équipe. D’autre part, il est possible que l’attitude évolue lors du prélude, dont le but est justement de créer un esprit d’équipe, par l’expérimentation.
Compétences
Scrum
Même si l’équipe possède en son sein une personne censée bien connaitre Scrum (le Scrum Master), il est souhaitable que tous les coéquipiers soient formés.
Cette compétence s’acquiert lors du prélude et se consolide ensuite.
Techniques d’ingénierie
L’équipe est pluridisciplinaire et ses membres sont des spécialistes qui se généralisent.
Le spécialiste qui se généralise, c’est une personne appelée T-shaped. Elle a de la connaissance sur plusieurs choses (c’est la barre horizontale du T) et des compétences pointues sur une discipline (c’est la barre verticale du T). La généralisation pousse à acquérir d’autres compétences tout en partageant son expertise.
Capacités
Quelles sont les capacités attendues des membres de l’équipe, leur permettant de mettre en œuvre leurs compétences sur leurs activités ?
Expliquer les techniques et outils utilisés
Un bon coéquipier perçoit quand une information est utile à partager avec les autres. Il est alors capable d’expliquer sa solution aux autres.
Au contraire, une personne de talent (ou un spécialiste qui possède une compétence pointue) mais qui ne sait pas transmettre risque de constituer un obstacle à l’harmonie de l’équipe.
Se focaliser pour finir un travail
Le coéquipier sait se focaliser pour finir un travail et obtenir un résultat.
La focalisation permet de réduire le multitâches, un fléau dans les organisations. En effet travailler sur plusieurs tâches, passer de l’une à l’autre cela fait perdre le temps nécessaire pour s’immerger dans le nouveau contexte.
Pour limiter le multitâches, un coéquipier ne devrait appartenir qu’à une seule équipe et préférablement à plein temps.
Travailler en groupe
Cette capacité qui n’est pas innée pour tout le monde s’acquiert par des pratiques de travail à deux (pair programming) ou plus (mob programming).
Question : Et quand un développeur préfère rester seul devant son écran sous prétexte que c’est plus efficace pour lui ?
Le développeur qui est toujours devant son écran pourrait être considéré comme un bon travailleur. Cependant, il est fort possible que restant rivé à son clavier, il ne prenne pas le temps de la réflexion et ne sache pas partager.
Exigences
Quelles contraintes portent sur le vivre ensemble ? Quels impératifs un coéquipier devrait se donner ?
Rester dans l’équipe suffisamment de temps
Cette exigence individuelle concerne l’engagement à rester dans l’équipe.
Pour devenir une équipe agile, les relations entre les coéquipiers sont essentielles. Elles se bâtissent par la pratique quotidienne, ce qui demande de la stabilité.
Bien entendu, il ne s’agit pas que la composition d’une équipe soit immuable. Il est des moments favorables pour ajuster la composition des équipes, sans toutefois les bouleverser.
Suivre les règles
Cette exigence personnelle concerne la discipline collective.
Une équipe définit ses règles de vie ensemble (par une décision collective prise lors du prélude). Les règles portent sur le fonctionnement au quotidien de l’équipe et engagent tous les coéquipiers.
Être en accord avec son idéal
Chaque personne possède un idéal. Un idéal détermine une contrainte, une limite qu’il se donne dans l’exécution de son travail2. Il peut porter sur le résultat, par exemple pour une personne qui ne veut pas faire un produit avec un impact négatif du point de vue écologique.
Le plus souvent l’idéal concerne l’aspect social : il s’agit d’avoir de la reconnaissance dans l’accomplissement de son travail. L’exigence que se donne un coéquipier est de pouvoir suivre son idéal dans son travail au sein du collectif.
Un sondage récent indique qu’un salarié sur deux est amené à agir contre ses valeurs3.
Se mettre en adéquation entre ce qu’on pense, ce qu’on dit et ce qu’on fait, c’est l’expression de la sincérité.
Cela demande du courage pour l’exprimer devant ses coéquipiers.
Le courage est une des cinq valeurs associées à Scrum. Les autres sont la focalisation, citée dans les capacités, l’ouverture d’esprit, citée dans les attitudes, le respect (des règles par exemple) et l’engagement (sur ses exigences).

Les caractéristiques d'un coéquipier
La définition donnée dans la version française du Guide Scrum 2020 n’est pas d’une grande utilité : “Les Developers sont les membres de la Scrum Team qui s’engagent à traiter n’importe quel aspect utile pour un Increment durant chaque Sprint.” ↩︎
C’est en lisant l’essai d’Alexandre Lacroix, publié chez Allary Éditions, Comment ne pas être esclave du système ? que m’est venue l’idée de prendre sa notion d’idéal comme exigence du coéquipier Scrum. ↩︎
42 % se disent parfois amenés à agir contre leurs valeurs, à lire dans Philonomist. ↩︎
